Alain Bombard : l’histoire d’un naufragé volontaire
Oct
2019
Bombard, voilà un nom que chaque marin connaît de nos jours. Mais avant de désigner un bateau de sauvetage gonflable, il s’agit du patronyme du docteur Lombard. Rattaché à l’Institut océanographique de Monaco, ce scientifique trouve inimaginable que les victimes de naufrage disparaissent alors que, selon lui, il est possible de survivre en mer. Afin de démontrer son postulat, celui-ci se lance dans une aventure folle, devenir naufragé volontaire au milieu de l’Atlantique.
Alain Bombard, spécialiste de la survie en mer
Né à Paris en 1924, Alain Bombard découvre la mer sur les côtes bretonnes. Alors qu’il est diplômé en médecine depuis quelques années seulement, il s’intéresse à la survie des naufragés et se spécialise rapidement dans ce domaine. Selon son livre « Naufragé volontaire » paru en 1953, l’élément déclencheur aurait été l’arrivée en 1951 de 41 corps de marins alors qu’il est l’interne de garde. En réalité, si un navire a effectivement chaviré ce jour-là, le nombre de morts est heureusement bien moindre puisque les autorités ont dénombré 10 victimes.
Toujours est-il, que le jeune docteur de 25 ans est bien décidé à prouver qu’il est possible de survivre en mer. Chercheur à l’Institut océanographique de Monaco, il réalise de nombreuses études pour comprendre pourquoi les chances de survie d’un marin tombé à la mer sont si minces. Celles-ci le conduisent à penser qu’un naufragé peut survivre s’il se nourrit de plancton et boit de l’eau de pluie, du jus produit en pressant des poissons ou, à défaut, de faibles quantités d’eau de mer.
Les premières tentatives
Pour démontrer ses théories, le docteur Bombard effectue avec succès la traversée de la Manche à la nage, après avoir pris soin de s’être enduit le corps de graisse pour mieux résister au froid.
Un an plus tard, en 1952, il décide de se lancer dans une opération que le milieu de la médecine et celui de la marine considèrent comme complètement folle. Il veut monter à bord d’un bateau pneumatique, l’Hérétique, et sans le moindre matériel ou presque, démontrer qu’il peut survivre sur l’océan pendant de nombreux jours.
Cette première tentative à deux en Méditerranée ne dure que 18 jours et ne se révèle pas concluante. En effet, Alain Bombard et son coéquipier ont dû être ravitaillés en cours de route faute d’avoir réussi à trouver suffisamment de nourriture dans l’océan.
Naufragé volontaire et solitaire dans l’Atlantique
Raillé par ses pairs, Alain Bombard ne se laisse pas abattre. Il décide de tenter une seconde fois l’aventure, mais cette fois en solitaire et pour traverser l’océan Atlantique. Le 19 août 1952, le jeune médecin quitte les Canaries à bord d’un radeau pneumatique dans les conditions similaires à celle d’un naufragé.
Sa frêle embarcation est dotée d’une voile de fortune et d’un équipement rudimentaire : un sextant pour se repérer, un filet à plancton, de quoi attraper du poisson et une presse pour en extraire le jus. En effet, pour l’aventurier, le poisson peut servir de nourriture, mais également de boisson en récupérant les fluides une fois l’animal pressé. Le chercheur compte également sur la pluie pour s’abreuver. Il estime par ailleurs que, sans poisson ni eau de pluie, pour retarder l’inéluctable, il est même possible de boire une petite quantité d’eau de mer. Enfin, le plancton, bien que particulièrement écœurant, permet d’éviter le scorbut en raison de sa forte teneur en vitamine C.
Sa traversée fut particulièrement éprouvante. Il explique par exemple que l’Hérétique a chaviré à plusieurs reprises ou encore qu’il a dû écoper avec ce qu’il avait sous la main, ses chaussures ou son chapeau, parce qu’il avait perdu son sceau. La pluie s’est également fait attendre pendant plus de trois semaines au début de son périple. Mais, le plus dur selon lui, c’est l’ennui et le désespoir.
Courant déembre, il croise un navire qu’il lui propose de le ravitailler, ce qu’il refuse, espérant bientôt toucher terre. Ce fût effectivement le cas quelques jours plus tard, le 23 décembre 1952 à Bridgetown à La Barbade (Antilles). Après 113 jours en mer, il doit être hospitalisé, tant il est affaibli et amaigri, mais vivant.
En 1953, il publie « Naufragé volontaire » qui relate son périple. Même si plusieurs polémiques ont par la suite vues le jour, la démonstration du docteur Bombard a permis de sauver de nombreuses vies. Le canot de sauvetage « dur » a ainsi été abandonné au profit de son homologue « mou » type zodiac.
En 1958, un ultime essai d’un nouveau canot de sauvetage « Bombard » se solde par un désastre et le décès de 9 marins, dont 4 sauveteurs. Ce que l’on appelera le drame d’Etel ternira malheureusement à jamais la réputation d’Alain Bombard.
Le film à découvrir sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=rmeMsM6C9Ck